Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/42

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milieu d’une pierre dure où il était encastré, jusqu’au crapaud enfermé par Hérifsant, en 1771, dans une case de plâtre, et qu’il retrouva parfaitement vivant en 1774, étaient-ils de sa compétence. Quand on demandait à Nodier de quoi vivaient les malheureux prisonniers : Ils avaient leur peau, répondait-il. Il avait étudié un crapaud petit-maître qui avait fait six fois peau neuve dans un hiver, et qui six fois avait avalé la vieille. Quant à ceux qui étaient dans des pierres de formation primitive, depuis la création du monde, comme le crapaud que l’on trouva dans la carrière de Bourswick, en Gothie, l’inaction totale dans laquelle ils avaient été obligés de demeurer, la suspension de la vie dans une température qui ne permettait aucune dissolution et qui ne rendait nécessaire la réparation d’aucune perte, l’humidité du lieu, qui entretenait celle de l’animal et qui empêchait sa destruction par le dessèchement, tout cela paraissait à Nodier des raisons suffisantes à une conviction dans laquelle il y avait autant de foi que de science.

D’ailleurs Nodier avait, nous l’avons dit, une certaine humilité naturelle, une certaine pente à se faire petit lui-même qui l’entraînait vers les petits et les humbles. Nodier bibliophile trouvait parmi les livres des chefs-d’œuvre ignorés, qu’il tirait de la tombe des bibliothèques ; Nodier philanthrope trouvait parmi les vivans des poëtes inconnus, qu’il mettait au jour et qu’il conduisait à la célébrité ; toute injustice, toute oppression le révoltait, et, selon lui, on opprimait le crapaud, on était injuste envers lui, on ignorait ou l’on ne voulait pas connaître les vertus du crapaud. Le crapaud était bon ami ; Nodier l’avait déjà prouvé