Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/60

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savait que le compagnon inséparable du génie et de la gloire, c’est le malheur.

Cette tante, c’était la tante Sophie.

Cette tante était musicienne comme toute la famille, elle jouait du luth. Quand Hoffmann s’éveillait dans son berceau, il s’éveillait inondé d’une vibrante harmonie ; quand il ouvrait les yeux, il voyait la forme gracieuse de la jeune femme mariée à son instrument. Elle était ordinairement vêtue d’une robe vert d’eau avec nœuds roses ; elle était ordinairement accompagnée d’un vieux musicien à jambes torses et à perruque blanche qui jouait d’une basse plus grande que lui, à laquelle il se cramponnait, montant et descendant comme fait un lézard le long d’une courge. C’est à ce torrent d’harmonie tombant comme une cascade de perles des doigts de la belle Euterpe qu’Hoffmann avait bu le philtre enchanté qui l’avait lui-même fait musicien.

Aussi la tante Sophie, avons-nous dit, était un des charmans souvenirs d’Hoffmann.

Il n’en était pas de même de son oncle.

La mort du père d’Hoffmann, la maladie de sa mère, l’avaient laissé aux mains de cet oncle.

C’était un homme aussi exact que le pauvre Hoffmann était décousu, aussi bien ordonné que le pauvre Hoffmann était bizarrement fantasque, et dont l’esprit d’ordre et d’exactitude s’était éternellement exercé sur son neveu, mais toujours aussi inutilement que s’était exercé sur ses pendules l’esprit de l’empereur Charles Quint : l’oncle avait beau faire, l’heure sonnait à la fantaisie du neveu, jamais à la sienne.

Au fond, ce n’était point cependant, malgré son exacti-