Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nées, ayant toutes cette forme à laquelle un musicien ne se trompe pas, c’est-à-dire la forme d’un étui de violon.

Pour le moment, maître Gottlieb était en train de disposer pour le théâtre de Mannheim, sur lequel il voulait faire un essai de musique italienne, le Matrimonio segreto de Cimarosa.

Un archet, comme la batte d’Arlequin, était passé dans sa ceinture, ou plutôt maintenu par le gousset boutonné de sa culotte, une plume se dressait fièrement derrière son oreille, et ses doigts étaient tachés d’encre.

De ces doigts tachés d’encre il prit la lettre que lui présentait Hoffmann, puis, jetant un coup d’œil sur l’adresse, et reconnaissant l’écriture :

— Ah ! Zacharias Werner, dit-il, poëte, poëte celui-là, mais joueur. Puis, comme si la qualité corrigeait un peu le défaut, il ajouta : Joueur, joueur, mais poëte.

Puis, décachetant la lettre :

— Parti, n’est-ce pas ? parti !

— Il part, monsieur, en ce moment même.

— Dieu le conduise ! ajouta Gottlieb en levant les yeux au ciel comme pour recommander son ami à Dieu. Mais il a bien fait de partir. Les voyages forment la jeunesse, et, si je n’avais pas voyagé, je ne connaîtrais pas, moi, l’immortel Paësiello, le divin Cimarosa.

— Mais, dit Hoffmann, vous n’en connaîtriez pas moins bien leurs œuvres, maître Gottlieb.

— Oui, leurs œuvres, certainement : mais qu’est-ce que connaître l’œuvre sans l’artiste ? c’est connaître l’âme sans le corps ; l’œuvre, c’est le spectre, c’est l’apparition ; l’œuvre, c’est ce qui reste de nous après notre mort. Mais le corps,