Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/86

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ont été faits, c’est sur l’instrument qui sera la dot de ma fille Antonia, que je veux t’entendre. C’est l’arc d’Ulysse, vois-tu, et qui pourra bander l’arc d’Ulysse est digne de Pénélope.

Et alors le vieillard ouvrit la boîte de velours toute galonnée d’or, et en tira un violon comme il semblait qu’il ne dût jamais avoir existé de violons, et comme Hoffmann seul peut-être se rappelait en avoir vu dans les concerts fantastiques de ses grands-oncles et de ses grandes-tantes.

Puis il s’inclina sur l’instrument vénérable, et le présentant à Hoffmann :

— Prends, dit-il, et tâche de ne pas être trop indigne de lui.

Hoffmann s’inclina, prit l’instrument avec respect, et commença une vieille étude de Sébastien Bach.

— Bach, Bach, murmura Gottlieb ; passe encore pour l’orgue, mais il n’entendait rien au violon. N’importe.

Au premier son qu’Hoffmann avait tiré de l’instrument, il avait tressailli, car lui, l’éminent musicien, il comprenait quel trésor d’harmonie on venait de mettre entre ses mains.

L’archet, semblable à un arc, tant il était courbé, permettait à l’instrumentiste d’embrasser les quatre cordes à la fois, et la dernière de ces cordes s’élevait à des tons célestes si merveilleux, que jamais Hoffmann n’avait pu songer qu’un son si divin s’éveillât sous une main humaine.

Pendant ce temps, le vieillard se tenait près de lui, la tête renversée en arrière, les yeux clignotants, disant pour tout encouragement :

— Pas mal, pas mal, jeune homme ; la main droite, la