Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/87

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main droite ! la main gauche n’est que le mouvement, la main droite c’est l’âme. Allons, de l’âme ! de l’âme ! de l’âme !!!

Hoffmann sentait bien que le vieux Gottlieb avait raison, et il comprenait, comme il lui avait dit à la première épreuve, qu’il fallait désapprendre tout ce qu’il avait appris ; et, par une transition insensible, mais soutenue, mais croissante, il passait du pianissimo au fortissimo, de la caresse à la menace, de l’éclair à la foudre, et il se perdait dans un torrent d’harmonie qu’il soulevait comme un nuage, et qu’il laissait retomber en cascades murmurantes, en perles liquides, en poussière humide, et il était sous l’influence d’une situation nouvelle, d’un état touchant à l’extase, quand tout à coup sa main gauche s’affaissa sur les cordes, l’archet mourut dans sa main, le violon glissa de sa poitrine, ses yeux devinrent fixes et ardens.

La porte venait de s’ouvrir, et dans la glace devant laquelle il jouait, Hoffmann avait vu apparaître, pareille à une ombre évoquée par une harmonie céleste, la belle Antonia, la bouche entr’ouverte, la poitrine oppressée, les yeux humides.

Hoffmann jeta un cri de plaisir, et maître Gottlieb n’eut que le temps de retenir le vénérable Antonio Amati, qui s’échappait de la main du jeune instrumentiste.