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Page:Dumas - La Princesse Flora (1871).djvu/111

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la princesse flora

passaient de charmants souvenirs ; mais, comme des spectres, ces souvenirs étaient pleins de reproches.

— Pourquoi me plaindrais-je ? murmura-t-il à demi-voix. Je n’étais pas digne d’elle !

Pravdine comprit tout ce qu’il y avait de douleur dans ce soupir, tout ce qu’il y avait de regrets dans cet aparté.

— Je te plains, Granitzine, lui dit-il, mais explique-moi une chose : c’est comment, connaissant si bien les vices de notre société, tu as pu te laisser prendre à l’amour, ou comment, t’étant laissé prendre à l’amour, tu as pu continuer d’envisager le monde sous le même point de vue ? Tu me fais l’effet de l’usurier, du débauché et du pillard Salluste, tonnant contre le vol, la débauche et l’usure, ou, mieux encore, de Repetilof dans la comédie de Gribojedof, le Malheur d’avoir trop d’esprit.

— Hélas ! nous sommes tous faits ainsi, mon cher Pravdine, nous autres nés à la limite de deux siècles : le XVIIIe siècle nous tire par les pieds vers la matière, le XIXe siècle nous enlève par les oreilles vers l’idéalité. Nous ne sommes ni chair ni poisson, ni Europe ni