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la princesse flora

devenu homme en respirant l’air où flottaient les atomes de mes aïeux, et je les ai respirés dans les plantes : mon cœur et mes os sont pétris avec la terre russe. Oh ! croyez-moi, madame, la patrie, ce n’est pas seulement l’habitude prise de demeurer à la même place. Ce n’est pas un mot vague, ce n’est point une pensée frivole. La patrie, c’est la vivante portion de nous-mêmes ; nous sommes son inaliénable propriété, nous lui appartenons moralement et matériellement ! Comment voulez-vous donc que nous ne soyons pas tristes, que nous ne soyons pas affligés en quittant notre patrie ? Non, princesse, non, dans le cœur vraiment russe, existe une volonté de fer qui, comme l’aiguille aimantée, tourne obstinément au nord.

— Et cette volonté existe dans votre cœur, capitaine ? demanda la princesse.

— Je suis Russe, je suis un vrai Slave, comme dit Pouschkine.

— Tant pis ! répondit la princesse ; moi, je déteste les cœurs de fer ; on ne peut faire aucune impression sur eux.