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la princesse flora

ce que le mot voir signifie sentir ? est-ce que le changement éternel des lieux laisse place à une passion ou à un souvenir ? Mais vous-même, continua-t-elle, vous qui, depuis votre enfance, sillonnez toutes les mers, vous devez avouer qu’après avoir respiré l’air parfumé des forêts du Brésil, après avoir visité les îles splendides de l’océan Pacifique, après avoir exploré les rivages de l’Australie, après avoir vu les glaces flottantes du pôle du sud, et les volcans qui chauffent le ciel de leur haleine, vous devez avouer que votre patrie vous a paru une terre de marais, de steppes et de brouillards.

— Elle m’a paru beaucoup plus magnifique qu’avant de la quitter, princesse. Vous me croyez donc des sentiments plus volages qu’une femme qui, après avoir dépouillé sa parure, l’oublie aussitôt, et, si elle retombe sous ses yeux, la méprise. Les sentiments ne sont pas une mode, madame, et les plus beaux pays, les plus délicieux climats ne remplacent pas la patrie. Ces brouillards ont été mes langes, ces pluies, mon lait nourricier ; ces âpres sapins ont été les joujoux de mon enfance. Je suis