tude, il fréquentât des gens indignes, il était parfaitement capable d’apprécier l’esprit des autres, et même, parfois, il avait lu des livres sérieux. Ce n’était pas inutilement qu’il avait gaspillé sa jeunesse. De ces deux choses, il ne lui restait rien, ni dans les poches, ni dans l’âme ; mais il lui restait quelque chose dans l’esprit : l’expérience.
À l’honneur de Granitzine, on pouvait ajouter qu’il était vraiment un des bavards les plus sincères qu’il y eût au monde. Il ne pouvait cacher ni le mal qu’il pensait de ses amis, ni le bien qu’il pensait de ses ennemis. Quand il ne trouvait plus personne de qui médire, il médisait alors de lui-même, et aurait été jusqu’à se calomnier si la chose eût été possible. On pouvait également dire que c’était un apôtre de la vérité et un pécheur repenti. Il y en avait qui, à cause de son esprit frondeur, l’appelaient le Juvénal russe. Ce n’était ni un apôtre, ni un pécheur repenti, ni un satirique ; il ne voulait prêcher aucune doctrine, ni politique, ni religieuse ; il ne voulait pas corriger les autres, et encore moins se corriger lui-même.