Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/15

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ronne ; de cette façon, j’accepte. Le pis qui puisse vous arriver, c’est de rester roi là-bas et de faire souche de rois en vivant en famille avec moi et ma famille, tandis qu’ici, qu’êtes-vous ? un pauvre prince persécuté, un pauvre troisième fils de roi, esclave de deux aînés et qu’un caprice peut envoyer à la Bastille.

— Oui, oui, dit François, je sens bien cela, si bien que je ne comprends pas que vous renonciez à ce plan que vous me proposez. Rien ne bat donc là ?

Et le duc d’Alençon posa la main sur le cœur de son frère.

— Il y a, dit Henri en souriant, des fardeaux trop lourds pour certaines mains, je n’essayerai pas de soulever celui-là ; la crainte de la fatigue me fait passer l’envie de la possession.

— Ainsi, Henri, véritablement vous renoncez ?

— Je l’ai dit à de Mouy et je vous le répète.

— Mais en pareille circonstance, cher frère, dit d’Alençon, on ne dit pas, on prouve.

Henri respira comme un lutteur qui sent plier les reins de son adversaire.

— Je le prouverai, dit-il, ce soir : à neuf heures la liste des chefs et le plan de l’entreprise seront chez vous. J’ai même déjà remis mon acte de renonciation à de Mouy.

François prit la main de Henri et la serra avec effusion entre les siennes.

Au même instant Catherine entra chez le duc d’Alençon, et cela, selon son habitude, sans se faire annoncer.

— Ensemble ! dit-elle en souriant, deux bons frères, en vérité !

— Je l’espère, Madame, dit Henri avec le plus grand sang-froid, tandis que le duc d’Alençon pâlissait d’angoisse.

Puis il fit quelques pas en arrière pour laisser Catherine libre de parler à son fils.

La reine mère alors tira de son aumônière un joyau magnifique.

— Cette agrafe vient de Florence, dit-elle, je vous la donne pour mettre au ceinturon de votre épée.

Puis tout bas :

— Si, continua-t-elle, vous entendez ce soir du bruit chez votre bon frère Henri, ne bougez pas.

François serra la main de sa mère, et dit :