Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/249

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— Pourquoi alors a-t-elle une couronne et un manteau royal ?

— Pardieu ! dit Coconnas, c’est bien simple ; parce que c’était…

La Mole se leva et mit un doigt sur sa bouche.

— C’est juste, dit Coconnas ; qu’allais-je donc raconter, moi, comme si cela regardait ces Messieurs !

— Vous persistez à dire que cette statue est une statue de femme ?

— Oui, certainement, je persiste.

— Et vous refusez de dire quelle est cette femme ?

— Une femme de mon pays, dit La Mole, que j’aimais et dont je voulais être aimé.

— Ce n’est pas vous qu’on interroge, monsieur de La Mole, s’écria le président ; taisez-vous donc, ou l’on vous bâillonnera.

— … Bâillonnera ! dit Coconnas ; comment dites-vous cela, monsieur de la robe noire ? On bâillonnera mon ami !… un gentilhomme ! Allons donc !

— Faites entrer René, dit le procureur général Laguesle.

— Oui, faites entrer René, dit Coconnas, faites ; nous allons voir un peu qui a raison, ici, de vous trois ou de nous deux.

René entra pâle, vieilli, presque méconnaissable pour les deux amis, courbé sous le poids du crime qu’il allait commettre, bien plus que de ceux qu’il avait commis.

— Maître René, dit le juge, reconnaissez-vous les deux accusés ici présents ?

— Oui, Monsieur, répondit René d’une voix qui trahissait son émotion.

— Pour les avoir vus où ?

— En plusieurs lieux, et notamment chez moi.

— Combien de fois ont-ils été chez vous ?

— Une seule.

À mesure que René parlait, la figure de Coconnas s’épanouissait. Le visage de La Mole, au contraire, demeurait grave comme s’il avait eu un pressentiment.

— Et à quelle occasion ont-ils été chez vous ?

René sembla hésiter un moment.

— Pour me commander une figure de cire, dit-il.

— Pardon, pardon, maître René, dit Coconnas, vous faites une petite erreur.