— Eh bien, dit La Mole, pour ma part, je ne te réclame rien.
— Comment, mon gentilhomme !…
— Si ce n’est…
— Aïe ! aïe ! fit La Hurière…
— Si ce n’est un dîner pour moi et mes amis toutes les fois que je me trouverai dans ton quartier.
— Comment donc ! s’écria La Hurière ravi, à vos ordres, mon gentilhomme, à vos ordres !
— Ainsi, c’est chose convenue ?
— De grand cœur… Et vous, monsieur de Coconnas, continua l’hôte, souscrivez-vous au marché ?
— Oui ; mais, comme mon ami, j’y mets une petite condition.
— Laquelle ?
— C’est que vous rendrez à M. de La Mole les cinquante écus que je lui dois et que je vous ai confiés.
— À moi, Monsieur ! Et quand cela ?
— Un quart d’heure avant que vous ne vendissiez mon cheval et ma valise.
La Hurière fit un signe d’intelligence.
— Ah ! je comprends ! dit-il.
Et il s’avança vers une armoire, en tira, l’un après l’autre, cinquante écus, qu’il apporta à La Mole.
— Bien, Monsieur, dit le gentilhomme, bien ! servez-nous une omelette. Les cinquante écus seront pour M. Grégoire.
— Oh ! s’écria La Hurière, en vérité, mes gentilshommes, vous êtes des cœurs de princes, et vous pouvez compter sur moi à la vie et à la mort.
— En ce cas, dit Coconnas, faites-nous l’omelette demandée, et n’y épargnez ni le beurre ni le lard.
Puis se retournant vers la pendule :
— Ma foi, tu as raison, La Mole, dit-il. Nous avons encore trois heures à attendre, autant donc les passer ici qu’ailleurs. D’autant plus que, si je ne me trompe, nous sommes ici presque à moitié chemin du pont Saint-Michel.
Et les deux jeunes gens allèrent reprendre à table et dans la petite pièce du fond la même place qu’ils occupaient pendant cette fameuse soirée du 26 août 1572, pendant laquelle Coconnas avait proposé à La Mole de jouer l’un contre l’autre la première maîtresse qu’ils auraient.