Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
LA REINE MARGOT.

osé d’ailleurs inquiéter un homme doublement cher à Sa Majesté, en sa qualité de compatriote et de parfumeur.

Comme nous supposons que le lecteur cuirassé par le philosophisme du dix-huitième siècle ne croit plus ni à la magie ni aux magiciens, nous l’inviterons à entrer avec nous dans cette habitation qui, à cette époque de superstitieuse croyance, répandait autour d’elle un si profond effroi.

La boutique du rez-de-chaussée est sombre et déserte à partir de huit heures du soir, moment auquel elle se ferme pour ne plus se rouvrir qu’assez avant quelquefois dans la journée du lendemain ; c’est là que se fait la vente quotidienne des parfums, des onguents et des cosmétiques de tout genre que débite l’habile chimiste. Deux apprentis l’aident dans cette vente de détail, mais ils ne couchent pas dans la maison ; ils couchent rue de la Calandre. Le soir, ils sortent un instant avant que la boutique soit fermée. Le matin, ils se promènent devant la porte jusqu’à ce que la boutique soit ouverte.

Cette boutique du rez-de-chaussée est donc, comme nous l’avons dit, sombre et déserte.

Dans cette boutique, assez large et assez profonde, il y a deux portes, chacune donnant sur un escalier. Un des escaliers rampe dans la muraille même, et il est latéral : l’autre est extérieur et est visible du quai qu’on appelle aujourd’hui le quai des Augustins, et de la berge qu’on appelle aujourd’hui le quai des Orfèvres.

Tous deux conduisent à la chambre du premier.

Cette chambre est de la même grandeur que celle du rez-de-chaussée, seulement une tapisserie tendue dans le sens du pont la sépare en deux compartiments. Au fond du premier compartiment s’ouvre la porte donnant sur l’escalier extérieur. Sur la face latérale du second s’ouvre la porte de l’escalier secret ; seulement cette porte est invisible, car elle est cachée par une haute armoire sculptée, scellée à elle par des crampons de fer, et qu’elle poussait en s’ouvrant. Catherine seule connaît avec René le secret de cette porte, c’est par là qu’elle monte et qu’elle descend ; c’est l’oreille ou l’œil posé contre cette armoire, dans laquelle des trous sont ménagés, qu’elle écoute et qu’elle voit ce qui se passe dans la chambre.

Deux autres portes parfaitement ostensibles s’offrent en-