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LA REINE MARGOT.

— Mais, sire, dit le jeune homme le cœur oppressé de cette résistance à laquelle il ne s’attendait pas, vous ne songez donc pas qu’en agissant ainsi vous nous abandonnez… vous nous trahissez ?

Henri resta impassible.

— Oui, reprit de Mouy, oui, vous nous trahissez, sire, car plusieurs d’entre nous sont venus, au péril de leur vie, pour sauver votre honneur et votre liberté. Nous avons tout préparé pour vous donner un trône, sire, entendez-vous bien ? Non-seulement la liberté, mais la puissance : un trône à votre choix, car dans deux mois vous pourrez opter entre Navarre et France.

— De Mouy, dit Henri en voilant son regard, qui malgré lui, à cette proposition, avait jeté un éclair, de Mouy, je suis sauf, je suis catholique, je suis l’époux de Marguerite, je suis frère du roi Charles, je suis gendre de ma bonne mère Catherine. De Mouy, en prenant ces diverses positions, j’en ai calculé les chances, mais aussi les obligations.

— Mais, sire, reprit de Mouy, à quoi faut-il croire ? On me dit que votre mariage n’est pas consommé, on me dit que vous êtes libre au fond du cœur, on me dit que la haine de Catherine…

— Mensonge, mensonge, interrompit vivement le Béarnais. Oui, l’on vous a trompé impudemment, mon ami. Cette chère Marguerite est bien ma femme ; Catherine est bien ma mère ; le roi Charles IX enfin est bien le seigneur et le maître de ma vie et de mon cœur.

De Mouy frissonna, un sourire presque méprisant passa sur ses lèvres.

— Ainsi donc, sire, dit-il en laissant retomber ses bras avec découragement et en essayant de sonder du regard cette âme pleine de ténèbres, voilà la réponse que je rapporterai à mes frères. Je leur dirai que le roi de Navarre tend sa main et donne son cœur à ceux qui nous ont égorgés, je leur dirai qu’il est devenu le flatteur de la reine mère et l’ami de Maurevel…

— Mon cher de Mouy, dit Henri, le roi va sortir du conseil, et il faut que j’aille m’informer près de lui des raisons qui nous ont fait remettre une chose aussi importante qu’une partie de chasse. Adieu, imitez-moi, mon ami, quittez la politique, revenez au roi et prenez la messe.