Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
247
LA REINE MARGOT.

— Sire, répondit une voix que Henri reconnut pour celle de de Mouy, c’est la réponse de l’orfèvre de la sellerie.

Henri, visiblement ému, fit entrer le jeune homme, et referma la porte derrière lui.

— C’est vous, de Mouy ! dit-il. J’espérais que vous réfléchiriez.

— Sire, répondit de Mouy, il y a trois mois que je réfléchis, c’est assez ; maintenant il est temps d’agir.

Henri fit un mouvement d’inquiétude.

— Ne craignez rien, sire, nous sommes seuls et je me hâte, car les moments sont précieux. Votre Majesté peut nous rendre, par un seul mot, tout ce que les événements de l’année ont fait perdre à la cause de la religion. Soyons clairs, soyons brefs, soyons francs.

— J’écoute, mon brave de Mouy ! répondit Henri voyant qu’il lui était impossible d’éluder l’explication.

— Est-il vrai que Votre Majesté ait abjuré la religion protestante ?

— C’est vrai, dit Henri.

— Oui, mais est-ce des lèvres ? est-ce du cœur ?

— On est toujours reconnaissant à Dieu quand il nous sauve la vie, répondit Henri tournant la question, comme il avait l’habitude de le faire en pareil cas, et Dieu m’a visiblement épargné dans ce cruel danger.

— Sire, reprit de Mouy, avouons une chose.

— Laquelle ?

— C’est que votre abjuration n’est point une affaire de conviction, mais de calcul. Vous avez abjuré pour que le roi vous laissât vivre, et non parce que Dieu vous avait conservé la vie.

— Quelle que soit la cause de ma conversion, de Mouy, répondit Henri, je n’en suis pas moins catholique.

— Oui, mais le resterez-vous toujours ? à la première occasion de reprendre votre liberté d’existence et de conscience, ne la reprendrez-vous pas ? Eh bien ! cette occasion, elle se présente : La Rochelle est insurgée, le Roussillon et le Béarn n’attendent qu’un mot pour agir ; dans la Guyenne, tout crie à la guerre. Dites-moi seulement que vous êtes un catholique forcé et je vous réponds de l’avenir.

— On ne force pas un gentilhomme de ma naissance, mon cher de Mouy. Ce que j’ai fait, je l’ai fait librement.