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LA REINE MARGOT.

— À la bonne heure ! s’écria Coconnas, et voilà qui est parler ; vous avez raison, Monsieur, la parole d’un gentilhomme vaut de l’or, surtout quand ce gentilhomme a du crédit à la cour. Aussi, croyez que je ne me hasarderais pas trop en jouant contre vous la première faveur que je devrais recevoir.

— Oui, sans doute, vous pouvez la perdre ; mais moi, je ne pourrais pas la gagner ; car, étant au roi de Navarre, je ne puis rien tenir de M. le duc de Guise.

— Ah ! parpaillot ! murmura l’hôte tout en fourbissant son vieux casque, je t’avais donc bien flairé.

Et il s’interrompit pour faire le signe de la croix.

— Ah çà, décidément, reprit Coconnas en battant les cartes que venait de lui apporter le garçon, vous en êtes donc ?…

— De quoi ?

— De la religion.

— Moi ?

— Oui, vous.

— Eh bien ! mettez que j’en sois ! dit La Mole en souriant. Avez-vous quelque chose contre nous ?

— Oh ! Dieu merci, non ; cela m’est bien égal. Je hais profondément la huguenoterie, mais je ne déteste pas les huguenots, et puis c’est la mode.

— Oui, répliqua La Mole en riant, témoin l’arquebusade de M. l’amiral ! Jouerons-nous aussi des arquebusades ?

— Comme vous voudrez, dit Coconnas ; pourvu que je joue, peu m’importe quoi.

— Jouons donc, dit La Mole en ramassant ses cartes et en les rangeant dans sa main.

— Oui, jouez et jouez de confiance ; car, dussé-je perdre cent écus d’or comme les vôtres, j’aurai demain matin de quoi les payer.

— La fortune vous viendra donc en dormant ?

— Non, c’est moi qui irai la trouver.

— Où cela, dites-moi ? j’irai avec vous !

— Au Louvre.

— Vous y retournez cette nuit ?

— Oui, cette nuit j’ai une audience particulière du grand duc de Guise.

Depuis que Coconnas avait parlé d’aller chercher fortune