Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/127

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— Avec quoi écrirai-je ? demanda-t-il.

— Il y a un crayon dans la Bible, dit Rosa. Il y était, je l’ai conservé.

C’était le crayon que Jean de Witt avait prêté à son frère et qu’il n’avait pas songé à reprendre.

Cornélius le prit, et sur la seconde page, — car, on se le rappelle, la première avait été déchirée, — près de mourir à son tour comme son parrain, il écrivit d’une main non moins ferme :

« Ce 23 août 1672, sur le point de rendre, quoique innocent, mon âme à Dieu sur un échafaud, je lègue à Rosa Gryphus le seul bien qui me soit resté de tous mes biens dans ce monde, les autres ayant été confisqués ; je lègue, dis-je, à Rosa Gryphus trois caïeux qui, dans ma conviction profonde, doivent donner au mois de mai prochain la grande tulipe noire, objet du prix de cent mille florins proposé par la société de Harlem, désirant qu’elle touche ces cent mille florins en mon lieu et place comme mon unique héritière, à la seule charge d’épouser un jeune homme de mon âge à peu près, qui l’aimera et qu’elle aimera, et de donner à la grande tulipe noire qui créera une nouvelle espère le nom de Rosa Barlænsis, c’est-à-dire son nom et le mien réunis.

» Dieu me trouve en grâce et elle en santé !

» Cornélius van Baerle. »

Puis, donnant la Bible à Rosa :

— Lisez, dit-il.

— Hélas ! répondit la jeune fille à Cornélius, je vous l’ai déjà dit, je ne sais pas lire.