Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/145

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Et voici comment :

En quittant Dordrecht pour la Haye et la Haye pour Gorcum, mynheer Isaac Boxtel avait abandonné non seulement sa maison, non seulement son domestique, non seulement son observatoire, non seulement ses télescopes, mais encore ses pigeons.

Le domestique, qu’on avait laissé sans gages, commença par manger le peu d’économies qu’il avait, puis ensuite il se mit à manger les pigeons.

Ce que voyant les pigeons, ils émigrèrent du toit d’Isaac Boxtel sur le toit de Cornélius van Baerle.

La nourrice était un bon cœur qui avait besoin d’aimer quelque chose. Elle se prit de bonne amitié pour les pigeons qui étaient venus lui demander l’hospitalité, et quand le domestique d’Isaac réclama pour les manger les douze ou quinze derniers comme il avait mangé les douze ou quinze premiers, elle offrit de les lui racheter, moyennant six sous de Hollande la pièce.

C’était le double de ce que valaient les pigeons ; aussi le domestique accepta-t-il avec une grande joie.

La nourrice se trouva donc légitime propriétaire des pigeons de l’envieux.

C’étaient ces pigeons mêlés à d’autres qui, dans leur pérégrination, visitaient la Haye, Loewestein, Rotterdam, allant chercher sans doute du blé d’une autre nature, du chènevis d’un autre goût.

Le hasard, ou plutôt Dieu, Dieu que nous voyons, nous, au fond de toute chose, Dieu avait fait que Cornélius van Baerle avait pris justement un de ces pigeons-là.

Il en résulte que si l’envieux n’eût pas quitté Dordrecht pour suivre son rival à la Haye d’abord, puis ensuite à