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Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/146

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Gorcum ou à Loewestein, comme on voudra, les deux localités n’étant séparées que par la jonction du Wahal et de la Meuse, c’eût été entre ses mains et non entre celles de la nourrice que fût tombé le billet écrit par van Baerle, de sorte que le pauvre prisonnier, comme le corbeau du savetier romain, eût perdu son temps et ses peines, et qu’au lieu d’avoir à raconter les événements variés qui, pareils à un tapis aux mille couleurs, vont se dérouler sous notre plume, nous n’eussions eu à décrire qu’une longue série de jours, pâles, tristes et sombres comme le manteau de la nuit.

Le billet tomba donc dans les mains de la nourrice de van Baerle.

Aussi vers les premiers jours de février, comme les premières heures du soir descendaient du ciel laissant derrière elles les étoiles naissantes, Cornélius entendit dans l’escalier de la tourelle une voix qui le fit tressaillir.

Il porta la main à son cœur et écouta.

C’était la voix douce et harmonieuse de Rosa.

Avouons-le, Cornélius ne fut pas si étourdi de surprise, si extravagant de joie qu’il l’eût été sans l’histoire du pigeon. Le pigeon lui avait en échange de sa lettre rapporté l’espoir sous son aile vide, et il s’attendait chaque jour, car il connaissait Rosa, à avoir, si le billet lui avait été remis, des nouvelles de son amour et de ses caïeux.

Il se leva, prêtant l’oreille, inclinant le corps du côté de la porte.

Oui, c’étaient bien les accents qui l’avaient ému si doucement à la Haye.

Mais maintenant Rosa, qui avait fait le voyage de la Haye à Loewestein ; Rosa qui avait réussi, Cornélius ne savait