Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sabeth, à la reine Anne d’Autriche, c’est-à-dire aux plus grandes ou aux plus belles reines du monde.

Mais Rosa avait défendu sous peine de ne plus revenir, Rosa avait défendu qu’avant trois jours on causât tulipe.

C’était soixante-douze heures données à l’amant, c’est vrai ; mais c’était soixante-douze heures retranchées à l’horticulteur.

Il est vrai que sur ces soixante-douze heures, trente-six étaient déjà passées.

Les trente-six autres passeraient bien vite, dix-huit à attendre, dix-huit au souvenir.

Rosa revint à la même heure ; Cornélius supporta héroïquement sa pénitence. C’eût été un pythagoricien très distingué que Cornélius, et pourvu qu’on lui eût permis de demander une fois par jour des nouvelles de sa tulipe, il fût bien resté cinq ans selon les statuts de l’ordre sans parler d’autre chose.

Au reste, la belle visiteuse comprenait bien que lorsqu’on commande d’un côté, il faut céder de l’autre. Rosa laissait Cornélius tirer ses doigts par le guichet ; Rosa laissait Cornélius baiser ses cheveux à travers le grillage.

Pauvre enfant ! toutes ces mignardises de l’amour étaient bien autrement dangereuses pour elle que de parler tulipe.

Elle comprit cela en rentrant chez elle le cœur bondissant, les joues ardentes, les lèvres sèches et les yeux humides.

Aussi, le lendemain soir, après les premières paroles échangées, après les premières caresses faites, elle regarda Cornélius à travers le grillage, et dans la nuit, avec ce regard qu’on sent quand on ne le voit pas :

— Eh bien ! dit-elle, elle a levé !