Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/219

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commence à comprendre une faiblesse, sinon à s’y habituer.

— Je retourne auprès de la tulipe, monsieur van Baerle, et aussitôt ouverte, vous êtes prévenu ; aussitôt vous prévenu, le messager part.

— Rosa, Rosa, je ne sais plus à quelle merveille du ciel ou de la terre vous comparer.

— Comparez-moi à la tulipe noire, monsieur Cornélius, et je serai bien flattée, je vous jure ; disons-nous donc au revoir, monsieur Cornélius.

— Oh ! dites : Au revoir, mon ami.

— Au revoir, mon ami, dit Rosa un peu consolée.

— Dites : Mon ami bien aimé.

— Oh ! mon ami…

— Bien aimé, Rosa, je vous en supplie, bien aimé, bien aimé, n’est-ce pas ?

— Bien aimé, oui, bien aimé, fit Rosa palpitante, enivrée, folle de joie.

— Alors, Rosa, puisque vous avez dit bien aimé, dites aussi bien heureux, dites heureux comme jamais homme n’a été heureux et béni sous le ciel. Il ne me manque qu’une chose, Rosa.

— Laquelle ?

— Votre joue, votre joue fraîche, votre joue rose, votre joue veloutée. Oh ! Rosa, de votre volonté, non plus par surprise, non plus par accident, Rosa. Ah !

Le prisonnier acheva sa prière dans un soupir ; il venait de rencontrer les lèvres de la jeune fille, non plus par accident, non plus par surprise, comme cent ans plus tard Saint-Preux devait rencontrer les lèvres de Julie.

Rosa s’enfuit.