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Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/218

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— Supposez qu’il tarde un jour, deux jours même ; mais c’est impossible, un amateur de tulipes comme lui ne tardera pas une heure, pas une minute, pas une seconde à se mettre en route pour voir la huitième merveille du monde. Mais, comme je le disais, tardât-il un jour, tardât-il deux, la tulipe serait encore dans toute sa splendeur. La tulipe vue par le président, le procès-verbal dressé par lui, tout est dit, vous gardez un double du procès-verbal, Rosa, et vous lui confiez la tulipe. Ah ! si nous avions pu la porter nous-mêmes, Rosa, elle n’eût quitté mes bras que pour passer dans les vôtres ; mais c’est un rêve auquel il ne faut pas songer, continua Cornélius en soupirant ; d’autres yeux la verront défleurir. Oh ! surtout, Rosa, avant que ne la voie le président, ne la laissez voir à personne. La tulipe noire, bon Dieu ! si quelqu’un voyait la tulipe noire, on la volerait !…

— Oh !

— Ne m’avez-vous pas dit vous-même ce que vous craignez à l’endroit de votre amoureux Jacob ; on vole bien un florin, pourquoi n’en volerait-on pas cent mille ?

— Je veillerai, allez, soyez tranquille.

— Si pendant que vous êtes ici elle allait s’ouvrir ?

— La capricieuse en est bien capable, dit Rosa.

— Si vous la trouviez ouverte en rentrant ?

— Eh bien ?

— Ah ! Rosa, du moment où elle sera ouverte, rappelez-vous qu’il n’y aura pas un moment à perdre pour prévenir le président.

— Et vous prévenir, vous. Oui, je comprends.

Rosa soupira, mais sans amertume et en femme qui