un tel torrent d’abominables imprécations que Cornélius, s’adressant à l’officier :
— Monsieur, dit-il, je ne crois pas qu’il soit bien séant de me laisser ainsi insulter par cet homme, et cela surtout dans un pareil moment.
— Écoutez donc, dit l’officier en riant, il est bien naturel que ce brave homme vous en veuille, il paraît que vous l’avez roué de coups ?
— Mais, monsieur, c’était à mon corps défendant.
— Bah ! dit le colonel en imprimant à ses épaules un geste éminemment philosophique ; bah ! laissez-le dire. Que vous importe, à présent ?
Une sueur froide passa sur le front de Cornélius à cette réponse, qu’il regardait comme une ironie un peu brutale, de la part surtout d’un officier qu’on lui avait dit être attaché à la personne du prince.
Le malheureux comprit qu’il n’avait plus de ressource, qu’il n’avait plus d’amis, et se résigna.
— Soit, murmura-t-il en baissant la tête ; on en a fait bien d’autres au Christ, et si innocent que je sois, je ne puis me comparer à lui. Le Christ se fût laissé battre par son geôlier et ne l’eût point battu.
Puis, se retournant vers l’officier, qui paraissait complaisamment attendre qu’il eût fini ses réflexions,
— Allons, monsieur, demanda-t-il, où vais-je ?
L’officier lui montra un carrosse attelé de quatre chevaux, qui lui rappela fort le carrosse qui dans une circonstance pareille avait déjà frappé ses regards au Buytenhoff.
— Montez là-dedans, dit-il.
— Ah ! murmura Cornélius, il paraît qu’on ne me fera pas les honneurs de l’esplanade, à moi !