Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pâle, étourdi, écrasé de joie, au pied du trône, en saluant tour à tour son prince, sa fiancée et Dieu qui, du fond du ciel azuré, regardait en souriant le spectacle de deux cœurs heureux.

En même temps aussi tombait aux pieds du président van Systens un autre homme frappé d’une émotion bien différente.

Boxtel, anéanti sous la ruine de ses espérances, venait de s’évanouir.

On le releva, on interrogea son pouls et son cœur ; il était mort.

Cet incident ne troubla point autrement la fête, attendu que ni le président ni le prince ne parurent s’en préoccuper beaucoup.

Cornélius recula épouvanté : dans son voleur, dans son faux Jacob, il venait de reconnaître le vrai Isaac Boxtel, son voisin, que, dans la pureté de son âme, il n’avait jamais soupçonné un seul instant d’une si méchante action.

Ce fut, au reste, un grand bonheur pour Boxtel que Dieu lui eût envoyé si à propos cette attaque d’apoplexie foudroyante, qu’elle l’empêcha de voir plus longtemps des choses si douloureuses pour son orgueil et son avarice.

Puis, au son des trompettes, la procession reprit sa marche sans qu’il y eût rien de changé dans son cérémonial, sinon que Boxtel était mort et que Cornélius et Rosa, triomphants, marchaient côte à côte et la main de l’un dans la main de l’autre.

Quand on fut rentré à l’hôtel de ville, le prince montrant du doigt à Cornélius la bourse aux cent mille florins d’or :

— On ne sait trop, dit-il, par qui est gagné cet argent,