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Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/66

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Il sut donc presque gré à Cornélius van Baerle de lui avoir bâti gratis un parasoleil.

Peut-être n’était-ce point tout à fait vrai, et ce que disait Boxtel à l’endroit de son voisin van Baerle n’était-il pas l’expression entière de sa pensée. Mais les grandes âmes trouvent dans la philosophie d’étonnantes ressources au milieu des grandes catastrophes.

Mais hélas ? que devint-il, cet infortuné Boxtel, quand il vit les vitres de l’étage nouvellement bâti se garnir d’oignons, de cayeux, de tulipes en pleine terre, de tulipes en pot, enfin de tout ce qui concerne la profession d’un monomane tulipier !

Il y avait les paquets d’étiquettes, il y avait les casiers, il y avait les boîtes à compartiments et les grillages de fer destinés à fermer ces casiers pour y renouveler l’air sans donner accès aux souris, aux charançons, aux loirs, aux mulots et aux rats, curieux amateurs de tulipes à deux mille francs l’oignon.

Boxtel fut fort ébahi lorsqu’il vit tout ce matériel, mais il ne comprenait pas encore l’étendue de son malheur. On savait van Baerle ami de tout ce qui réjouit la vue. Il étudiait à fond la nature pour ses tableaux, finis comme ceux de Gérard Dow, son maître, et de Miéris, son ami. N’était-il pas possible qu’ayant à peindre l’intérieur d’un tulipier, il eût amassé dans son nouvel atelier tous les accessoires de la décoration !

Cependant, quoique bercé par cette décevante idée, Boxtel ne put résister à l’ardente curiosité qui le dévorait. Le soir venu, il appliqua une échelle contre le mur mitoyen, et regardant chez le voisin Baerle, il se convainquit que la terre d’un énorme carré peuplé naguère de plantes