Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/67

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différentes, avait été remuée, disposée en plates-bandes de terreau mêlé de boue de rivière, combinaison essentiellement sympathique aux tulipes, le tout contreforté de bordures de gazon pour empêcher les éboulements. En outre, soleil levant, soleil couchant, ombre ménagée pour tamiser le soleil de midi ; de l’eau en abondance et à portée, exposition au sud sud-ouest, enfin conditions complètes, non seulement de réussite, mais de progrès. Plus de doute, Van Baërle était devenu tulipier.

Boxtel se représenta sur-le-champ ce savant homme aux 400,000 florins de capital, aux 10,000 florins de rente, employant ses ressources morales et physiques à la culture des tulipes en grand. Il entrevit son succès dans un vague mais prochain avenir, et conçut, par avance, une telle douleur de ce succès, que ses mains se relâchant, les genoux s’affaissèrent, il roula désespéré en bas de son échelle.

Ainsi, ce n’était pas pour des tulipes en peinture, mais pour des tulipes réelles que Van Baërle lui prenait un demi-degré de chaleur. Ainsi Van Baërle allait avoir la plus admirable des expositions solaires et, en outre, une vaste chambre où conserver ses oignons et ses caïeux : chambre éclairée, aérée, ventilée, richesse interdite à Boxtel, qui avait été forcé de consacrer à cet usage sa chambre à coucher, et qui, pour ne pas nuire par l’influence des esprits animaux à ses caïeux et à ses tubercules, se résignait à coucher au grenier.

Ainsi porte à porte, mur à mur, Boxtel allait avoir un rival, un émule, un vainqueur peut-être, et ce rival, au lieu d’être quelque jardinier obscur, inconnu, c’était le filleul de maître Corneille de Witt, c’est-à-dire une célébrité !