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Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/71

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ment merveilleux que jamais personne, excepté peut-être Shakespeare et Rubens, n’avait tant créé après Dieu.

Aussi fallait-il, pour prendre une idée d’un damné oublié par Dante, fallait-il voir Boxtel pendant ce temps. Tandis que van Baerle sarclait, amendait, humectait ses plates-bandes, tandis qu’agenouillé sur le talus de gazon, il analysait chaque veine de la tulipe en floraison et méditait les modifications qu’on y pouvait faire, les mariages de couleurs qu’on y pouvait essayer, Boxtel, caché derrière un petit sycomore qu’il avait planté le long du mur, et dont il se faisait un éventail, suivait, l’œil gonflé, la bouche écumante, chaque pas, chaque geste de son voisin, et quand il croyait le voir joyeux, quand il surprenait un sourire sur ses lèvres, un éclair de bonheur dans ses yeux, alors il leur envoyait tant de malédictions, tant de furieuses menaces, qu’on ne saurait concevoir comment ces souffles empestés d’envie et de colère n’allaient point s’infiltrant dans les tiges des fleurs y porter des principes de décadence et des germes de mort.

Bientôt, tant le mal une fois maître d’une âme humaine y fait de rapides progrès, bientôt Boxtel ne se contenta plus de voir van Baerle. Il voulut voir aussi ses fleurs, il était artiste au fond, et le chef-d’œuvre d’un rival lui tenait au cœur.

Il acheta un télescope, à l’aide duquel, aussi bien que le propriétaire lui-même, il put suivre chaque révolution de la fleur, depuis le moment où elle pousse, la première année, son pâle bourgeon hors de terre, jusqu’à celui où, après avoir accompli sa période de cinq années, elle arrondit son noble et gracieux cylindre sur lequel apparaît l’incertaine nuance de sa couleur et se développent les