Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/74

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sentait pas le froid ; l’espoir de la vengeance lui tenait chaud.

La douleur de son rival allait le payer de toutes ses peines.

Aux premiers rayons du soleil, la porte de la maison blanche s’ouvrit ; van Baerle apparut, et s’approcha de ses plates-bandes, souriant comme un homme qui a passé la nuit dans son lit, qui y a fait de bons rêves.

Tout à coup il aperçoit des sillons et des monticules sur ce terrain plus uni la veille qu’un miroir ; tout à coup il aperçoit les rangs symétriques de ses tulipes désordonnés comme sont les piques d’un bataillon au milieu duquel aurait tombé une bombe.

Il accourt tout pâlissant.

Boxtel tressaillait de joie. Quinze ou vingt tulipes lacérées, éventrées, gisaient les unes courbées, les autres brisées tout à fait et déjà pâlissantes ; la sève coulait de leurs blessures ; la sève, ce sang précieux que van Baerle eût voulu racheter au prix du sien.

Mais, ô surprise ! ô joie de van Baerle ! ô douleur inexprimable de Boxtel ! pas une des quatre tulipes menacées par l’attentat de ce dernier n’avait été atteinte. Elles levaient fièrement leurs nobles têtes au-dessus des cadavres de leurs compagnes. C’était assez pour consoler van Baerle, c’était assez pour faire crever d’ennui l’assassin, qui s’arrachait les cheveux à la vue de son crime commis et commis inutilement.

Van Baerle, tout en déplorant le malheur qui venait de le frapper, malheur qui, du reste, par la grâce de Dieu, était moins grand qu’il aurait pu être, van Baerle ne put en deviner la cause. Il s’informa seulement et apprit que