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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/100

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Moi je voulais lui conter mes raisons, mais elle reprit aussitôt :

— Va-t’en ! mauvais plaisant, va-t’en, avec ta sotte comédie.

0 magnifique Julien ! j’en appelle à votre témoignage ; prouvez-lui, par Dieu ! que je ne suis pas le Dazzo, mais que c’est bien moi. »

Machiavel a voulu ici faire allusion à ses comédies. Il se trouve en effet que le plus grand politique de l’Italie a été en même temps le plus grand écrivain comique de son siècle.

Les autres ouvrages les plus répandus de Machiavel sont l’Histoire de Florence, le Traité sur l’art de la guerre, les Discours sur Tite-Live, et le Prince. Doué d’un génie profond, d’un coup d’œil juste et pénétrant, le secrétaire de Florence a vu de haut les hommes et les choses ; il n’a pas craint d’enfoncer le scalpel de l’analyse dans les veines les plus imperceptibles, dans les fibres les plus délicates du cœur humain. Né dans un siècle de corruption, de perfidie et de violence, il a étudié froidement le vice et le crime ; il a évoqué les grandes figures de l’antiquité pour les faire poser devant une génération molle et dégradée. Il a traité théoriquement, et avec la plus grande précision de détails, les différentes formes de gouvernement, sans se passionner pour aucune d’elles.

Il a dit aux peuples : « Voici comment on fonde une république, voici les causes de sa grandeur et de sa décadence. Il a dit aux princes : « Voilà la seule manière possible de régner aujourd’hui. » C’est affreux, mais c’est véritable : il faut qu’un prince n’ait jamais tort devant ses sujets ; il faut repousser la force par la force, la ruse par la ruse, le mensonge par le mensonge. Vous voulez le sceptre et la pourpre ? prenez-les : mais ne vous y trompez pas du moins : le sceptre, c’est du fer ; la pourpre, c’est du sang.

Machiavel avait hérité de Dante la grande idée de l’unité italienne. L’obstacle le plus sérieux à la réunion de l’Italie venait de Rome. Pour que le rêve de Dante et de Machiavel, le rêve de tous les grands hommes de l’Italie, pût se réaliser, il fallait que les deux puissances, spirituelle et temporelle, consentissent à marcher vers le même but ; il fallait trouver