homme de génie, ce niveleur de tyrans, ce grand et austère citoyen subissant la torture le sourire aux lèvres, et ne voulant pas faire à ses bourreaux l’honneur de les prendre au sérieux.
Voici à peu près le sens des deux sonnets :
« J’ai des fers aux pieds ; j’ai les épaules meurtries par six rouleaux de cordes ; je ne parle pas de mes autres malheurs, car c’est ainsi qu’on traite ordinairement les poëtes.
Les murs de ma geôle suent l’eau et la vermine ; il y a des insectes si gros et si bien nourris qu’on les prendrait pour des papillons ; il s’en exhale une telle puanteur que les égoûts de Roncivalle et les bois de la Sardaigne ne sont que parfums, comparés à mon noble hôtel.
C’est un bruit tel qu’on dirait que la foudre gronde au ciel et que l’Etna mugit sur la terre. On n’entend que des verrous qu’on tire, des clefs qui grincent dans leur serrure, des chaînes qu’on rive.
Puis c’est un cri de torturé qui se plaint qu’on le hisse trop haut.
Ce qui m’ennuie davantage, c’est que l’autre jour, m’étant endormi sur l’aurore, j’ai été réveillé par un chant lugubre, et j’ai entendu dire : On prie pour vous.
Or, que le diable les emporte pourvu que votre pitié se tourne envers moi, ô bon père ! et qu’elle brise ces indignes liens. »
Dans le second sonnet il est question d’un certain Dazzo. Était-ce un fou, était-ce un malfaiteur ?
« Cette nuit, comme je priais les Muses de visiter avec leur douce lyre et leurs doux vers Votre Magnificence, pour m’obtenir quelques soulagemens et pour vous faire mes excuses ;
L’une d’elles m’apparut et me fit rougir par ces mots : Qui es-tu donc, toi qui oses m’appeler ainsi ? — Je lui dis mon nom ; mais elle, pour me punir, me frappa au visage et me ferma la bouche.
— Tu n’es pas Niccolo, ajouta-t-elle, tu es le Dazzo, puisque tu as les jambes et les pieds liés, et que tu es enchaîné comme un fou.