vre colonne fut-elle oubliée de nouveau ; et si bien oubliée, que cette fois on ne pensa plus même à la faire enterrer.
Depuis ce temps, non-seulement elle a perdu tout espoir de se retrouver jamais debout, mais encore elle est privée de la paix de la tombe : pareille à ces âmes indigentes qui ne peuvent pas même passer le Styx faute d’une obole à donner à Caron.
Que le curieux jette donc en passant un regard sur cette colonne qui, après avoir en une existence si agitée, a maintenant une mort si misérable ; puis, qu’après un regret accordé à cette grande infortune, il entre au couvent.
C’est avant une heure seulement qu’on peut visiter Saint-Marc, al-Tocco, comme on dit à Florence. Les bons dominicains dînent, et quand ils dînent les moines ne se dérangent pas, chose qui me parait fort juste, au reste, et qu’on ne s’avise de leur reprocher que parce qu’ils sont moines.
On entre à Saint-Marc par un portique incrusté d’inscriptions et décoré de tombeaux. Un concierge vient vous ouvrir : c’est le cicérone du couvent. La première porte franchie, on se trouve dans le cloître : c’est un carré parfait, tout couvert, dans sa partie supérieure, de fresques du Poccetti et du Passignano, et dans sa partie inférieure, d’inscriptions tumulaires.
Au milieu de ces inscriptions est un immense tableau représentant la mort d’un jeune homme étendu sur son lit ; au chevet du lit est un homme qui pleure, au pied du lit est une jeune fille qui s’arrache les cheveux ; dans le lointain, sont deux figures ailées qui remontent au ciel.
Ce jeune homme qui expire, c’est Ulysse Tacchinardi ; cet homme qui pleure, c’est Tacchinardi père ; cette jeune fille qui s’arrache les cheveux, c’est madame Persiani ; enfin, ces deux figures ailées, c’est l’ange de la mort qui remonte au ciel, culminant avec lui le génie de la musique.
Tout cela est peut-être fort beau comme pensée, mais c’est bien exécrable comme peinture.
Sans compter que c’est un peu bien hardi que de faire de la fresque sur les mêmes murs où en ont fait le Passignano, Poccetti, Beato Angelico et fra Bartolomeo.
J’éprouvai d’abord quelque étonnement de voir un chan-