Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une Mauresque, et qu’Alexandre la fit tuer parce que sa grande ressemblance avec elle dénonçait la bassesse de son origine. Il va sans dire que le cadavre de la pauvre femme n’eut pas les honneurs de la chapelle Saint-Laurent.

C’est sur ce tombeau qu’est assis, la tête couverte d’un casque et le menton appuyé dans sa main, qui, lui couvrant tout le bas du visage, ne laisse voir que les yeux, ce terrible Pensiero de Michel-Ange, la tête d’expression par excellence, du caractère de laquelle ni anciens ni modernes n’ont jamais approché. Il est malheureux qu’un pareil chef-d’œuvre représente un misérable comme ce lâche duc d’Urbin, dont tout le mérite consiste à avoir donné à la Toscane son premier tyran couronné, et à la France la reine qui fit la Saint-Barthelemy. Catherine était la sœur d’Alexandre.

Au pied du Pensiero, Michel-Ange a couché deux de ces statues comme lui seul les pouvait faire : c’est le Crépuscule et l’Aurore ; l’une s’endort, l’autre s’éveille. Ces statues renferment-elles une allégorie ? On a fort discuté là-dessus, et le résultat de la discussion est qu’on est un peu moins avancé aujourd’hui qu’elle est à peu près finie, que la veille du jour où elle a commencé.

Mais ce qui est indiscutable, c’est le génie immense avec lequel ce marbre est fouillé, pétri, torturé : on dirait de la main d’un géant qui a pesé sur cette pierre. Adam et Eve devaient fort ressembler à ces deux statues en sortant de la main de Jéhovah.

Puis, avec son caprice habituel, Michel-Ange a laissé la tête de l’homme à moitié ébauchée : ébauche terrible sous laquelle vit la physionomie, masque plus grandiose que n’aurait jamais pu l’être une figure.

D’autres parties encore sont lâchées, comme on dit en termes d’artiste, et entre autres les pieds de la femme, sur lesquels on voit encore toutes les éraillures du ciseau ; ce qui n’empêche pas que ces pieds ne soient encore admirables et d’un modèle magnifique.

Le tombeau placé en face du tombeau de Laurent, fait duc d’Urbin par Léon X, est celui de Julien, fait duc de Nemours par François Ier.

Comme le Pensiero, Julien est assis dans une niche paral-