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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/132

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lèle à celle de son terrible pendant. Mais cette fois, le génie du statuaire s’est laissé aller à une simple ressemblance, et n’a rien voulu laisser à deviner : c’est un beau jeune homme de vingt-huit à trente ans, auquel l’exagération de son cou donne beaucoup de grâce. À ses pieds sont aussi couchées deux statues : le Jour et la Nuit.

La statue du Jour, comme celle du Crépuscule, est inachevée ; et cependant l’imagination va chercher la tête dans le marbre à peine dégrossi ; le reste du corps, terminé entièrement, est magnifique de détails ; un des pieds surtout est miraculeux de vie et de vérité.

La statue de la Nuit, placée en opposition avec celle du Jour, est parfaitement achevée. Elle est célèbre de sa propre célébrité d’abord, puis par le quatrain de Strozzi et par la réponse de Michel-Ange.

C’est une grande famille que celle de ces Strozzi, dont les aïeux soutinrent dans la citadelle de Fiesole un siège de cent quinze ans. Les uns se battaient pour la république, les autres chantaient la liberté ; ceux ci mouraient comme Brutus, ceux-là vivaient comme Tyrtée.

Jean-Baptiste Strozzi vint voir le tombeau de Julien comme Michel-Ange achevait la statue de la Nuit. Cette belle figure le frappa et pendant que Michel-Ange était sorti un instant, il écrivit sur la muraille les quatre vers suivans, et sortit à son tour :

 La Notte che tu vedi in sì dolci atti
Dormir, fu da un Angolo scolpita
In questo sasso ; e perche dorme, ha vita ;
Destala, se non credi, e parli rati.

« Cette Nuit, que tu vois dormir dans une si douce attitude, fut tirée de cette pierre par la main d’un Ange ; elle vit, puisqu’elle dort : et, si tu en doutes, éveille-la, et elle va te parler. »

Michel-Ange rentra, lut ces vers, et écrivit au dessous, car tout en bâtissant des tombeaux aux tyrans, le vieux républicain vivait toujours en lui — :