blessée. À minuit, ces cinq hommes se séparèrent satisfaits ; grâce à l’expédient trouvé par Ciolli, ils n’avaient pas perdu leur journée.
Peut-être aussi cet accident eut-il une autre cause, et Ciolli, en faisant frapper sa propre femme, voulut-il détourner les soupçons de lui.
La troupe se recrutait successivement : elle s’était d’abord composée de deux associés, puis de trois, puis de quatre, puis de cinq. Le jour où le cinquième associé avait été reçu, il avait été décidé que le soir même il donnerait un gage à ses compagnons en frappant la première personne qu’il rencontrerait en sortant. La nuit était sombre, l’assassin n’était pas encore fort aguerri dans le métier ; il sortit, et, voyant venir un homme à lui, il le frappa en détournant la tête et sans savoir qui il frappait. Le coup n’en fut pas moins mortel, l’homme expira le lendemain.
C’était son père.
Voilà, non pas ce qui résulta de la procédure, je le répète, car la procédure, comme on l’a vu, sans doute dans la crainte de soulever trop d’horreurs, ne porta que sur les faits accomplis pendant la soirée du 18 janvier 1840 ; mais ce qui se raconte par les rues de Livourne : aussi l’exaspération contre les accusés était telle que, lorsqu’on les amena pour subir l’exposition sur le théâtre même des crimes qu’ils avaient commis, on fut obligé de leur donner une garde quatre fois plus forte que d’habitude ; le peuple voulait les mettre en morceaux.
De plus, l’exposition accomplie, on n’osa point laisser ces hommes à Livourne, et on les envoya au bagne de Porto Ferrajo, où ils sont à cette heure, et où je les ai revus vêtus de la casaque jaune des condamnés à vie, et portant sur le dos cette terrible étiquette :
Lascivia di sangue.
En France, un procureur-général n’aurait pas manqué de faire honneur à la littérature moderne de la perte de ces honnêtes citoyens, qui fussent sans aucun doute restés l’ornement et l’exemple de la société s’ils n’avaient pas lu les romans de M. Victor Hugo et vu représenter les drames de M. Alexandre Dumas.
.