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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/156

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courses aux environs de Florence ; ce que je sus seulement, c’est que les accusés avaient commencé par tout nier, mais qu’enfin l’un d’eux, Centini, dans l’espoir sans doute qu’on lui ferait grâce, s’était détaché de la dénégation générale et avait tout dit.

Les débats ne portèrent, comme l’accusateur public en avait prévenu la cour, que sur les faits advenus dans cette soirée. Ces faits furent tous prouvés, et, la peine de mort étant abolie en Toscane, les cinq accusés furent condamnés aux galères à perpétuité.

Mais comme à partir de ce moment les meurtres quotidiens s’arrêtèrent à Livourne, le peuple ne fit aucun doute que, comme il l’avait pensé, avec cet admirable instinct qui a fait comparer son jugement à celui de Dieu, les véritables coupables ne fussent tombés entre les mains de la justice et que cette lascivia di sangue dont ils avaient donné de si cruelles preuves dans la soirée du 18 janvier ne s’était pas bornée à ces quatre assassinats.

Alors le peuple, après l’instruction judiciaire, fit son instruction à lui, et il découvrit des choses étonnantes. Nous citerons deux faits seulement, lesquels ont à Livourne force de chose jugée.

Ciolli était marié et paraissait fort aimer sa femme. Cependant comme cette soif de sang dont il était atteint était le premier de ses amours, un soir que les conjurés, soit par crainte, soit par lassitude, n’avaient pas versé le sang quotidien, il fut convenu que, pour ne pas déroger au serment, on ferait une légère blessure à la femme de Ciolli : celui au tour duquel c’était de frapper, car ces hommes avaient chacun leur jour, alla s’embusquer au coin de la rue, et Ciolli ordonna à sa femme d’aller lui chercher chez l’apothicaire une once d’huile de ricin, dont il avait besoin, disait-il, pour se purger le lendemain. La femme sortit sans défiance : un instant après on la rapporta évanouie et baignée dans son sang ; la blessure, qui offensait le gros de la cuisse, n’était cependant pas autrement dangereuse. Mais la pauvre femme avait eu si peur qu’elle s’était cru morte. Derrière elle entra celui qui lui avait frappé le coup, et qui aida Ciolli et ses autres compagnons à porter les secours nécessaires à la