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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/159

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Hippolyte et Dianora se rencontrèrent un matin au Baptistère de Saint-Jean. — Le jeune homme, depuis la via Rondinelli, suivait cette jeune fille à la démarche pleine d’élégance aristocratique ; elle entra au Baptistère, il y entra derrière elle ; elle leva son voile pour prendre de l’eau bénite, Hippolyte la vit, elle vit Hippolyte, et tout fut dit. Les jeunes gens lurent dans leurs yeux le sentiment qu’ils éprouvaient : ils ne purent qu’échanger deux mots, leurs deux noms. Le jour où ils s’étaient rencontrés était le 45 janvier, qu’on appelle à Florence le jour du pardon.

À partir de ce moment Hippolyte ne songea plus qu’à revoir celle qu’il aimait : sans cesse il passait et repassait sous ses fenêtres ; partout où elle allait, le jeune homme se trouvait aussi ; rien ne lui coûtait en patience, soit qu’il dût la précéder ou l’attendre des heures entières pour l’apercevoir une seconde ; et tout cela sans autre récompense souvent qu’un signe, un coup d’œil, une parole ; car Dianora appartenait à une famille de mœurs sévères, et elle était rigoureusement gardée.

Un jour la duègne de Dianora s’aperçut de ce qui se passait entre les deux amans : elle en prévint le père de la jeune fille, et Dianora reçut l’ordre de ne plus quitter la maison. Alors, après les espérances, après les rêves dorés, vinrent les véritables douleurs de l’amour. Pendant quelque temps encore cependant Hippolyte ignora son malheur ; il crut qu’une absence momentanée, qu’une indisposition subite l’éloignait de Dianora. Il continua de passer sous ses fenêtres, d’aller où il espérait la rencontrer ; mais ce fut inutile, il ne put pas même l’entrevoir.

Les jours et les nuits se passèrent : les jours, à courir les églises ; les nuits, à attendre, caché derrière un mur, l’instant où s’ouvrirait une des fenêtres de cet inexorable palais Bardi. Enfin une nuit, une main passa à travers les planchettes de la jalousie, et un billet tomba aux pieds d’Hippolyte. Il courut à une lampe qui brûlait devant une madone, et, ne doutant-point que ce billet ne vint de Dianora, le baisa et rebaisa vingt fois ; son cœur battait tellement, ses yeux étaient tellement obscurcis par le vertige, qu’il eut