Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/189

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le vrai coupable n’était pas celui qui avait déjà reçu la punition de son crime, mais bien l’homme qui avait tout conduit. Il dit donc au sbire de mourir tranquille, et qu’il réservait sa vengeance pour plus puissant que lui. Alors il s’en retourna chez lui pensif et à pas lents, tandis que le moine aidait meurtrier à mourir.

Messire Gualberti avait été dans son temps un puissant chevalier, qui n’eût craint homme qui fût au monde ; mais il avait vieilli, l’âge avait appesanti ses bras ; il songea que s’il allait présenter le combat au meurtrier d’Hugo, qui était alors dans toute la gloire de la jeunesse, il pouvait être tué dans la lutte, et laisser ainsi son petit Giovanni sans défense. Il résolut donc de prendre un autre parti. Ce que lui avait dit le sbire des intentions du meurtrier lui fit songer qu’il fallait avant tout soustraire le jeune Giovanni à ses assassins. Sans rien dire à personne de la découverte qu’il avait faite, il quitta donc Florence le lendemain, se retira dans son château de Petrojo, et emmena Giovanni avec lui. Outre le désir de sauver son fils, il en avait un autre : c’était de faire de Giovanni le vengeur d’Hugo.

Malheureusement Giovanni ne semblait destiné en rien par la nature à un pareil but : c’était un enfant doux, bon, patient, miséricordieux, et dont on pouvait dire, comme de Job, que la compassion était sortie en même temps que lui du ventre de sa mère. En outre, au lieu d’être porté, comme l’était son frère aîné, vers tous les plaisirs violens, il n’aimait, lui, que la lecture, la contemplation, la prière, et jamais il n’était plus heureux que lorsque, dans quelque chapelle retirée, au milieu de la solitude, sous l’œil de Dieu, il feuilletait quelque beau missel aux pages enluminées, ou quelque vieille Bible représentant Dieu le Père en costume d’empereur.

Messire Gualberti pensa que son fils était encore en âge d’être pour ainsi dire refait et repétri : aux livres mystiques, il substitua les livres de chevalerie ; aux miracles du Seigneur, les grandes actions des hommes. Il lui donna à lire Grégoire de Tours, Luitprand, le moine de Saint-Gall ; et cette belle et jeune organisation se prit bientôt d’admiration pour les hauts faits d’Alboin et de Charlemagne comme elle