Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/191

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çant avec quelqu’une de ces armes gigantesques que les traditions disaient avoir appartenu à ces chefs barbares descendus des plateaux de l’Asie, au quatrième et au cinquième siècle, sur les traces d’Alaric, de Genseric et d’Attila. Peu de casques, si bien trempés qu’ils fussent, résistaient à un coup d’épée donné par Giovanni, et il n’était pas de boucliers qui ne volassent en éclats sous un coup de masse asséné par lui.

Messire Gualberti voyait toutes ces choses et remerciait Dieu. Mais ce qu’il suivait surtout avec la plus grande attention, c’était ce pli de la pensée qui se creusait chaque jour davantage au front du jeune homme ; c’était ce frémissement qui courait par tout son corps lorsque le matin le prêtre prononçait les prières sacramentelles : c’était cette pâleur qui couvrait son visage chaque fois qu’il voyait pleurer sa mère, et sa mère pleurait souvent, car elle connaissait son mari, et, quoiqu’il ne lui eût fait aucun aveu, ses projets, inconnus à tout le monde, n’étaient point un secret pour elle.

Cette situation se prolongea jusqu’au septième anniversaire de la mort d’Hugo. Cette fois Giovanni écouta la messe mortuaire avec plus de recueillement et de tristesse encore que d’habitude. Seulement, la messe finie, il retint messire Gualberti, et ayant laissé sortir tout le monde, il demeura seul avec lui.

Messire Gualberti, qui n’avait pas perdu de vue Giovanni pendant tout le temps qu’avait duré l’office, se douta de ce qui allait se passer ; le fils et le père échangèrent un regard, et tous deux comprirent que l’heure solennelle attendue par l’un était arrivée pour l’autre.

Messire Gualberti tendit la main à son fils, qui la baisa respectueusement ; puis Giovanni se relevant aussitôt :

— Mon père, lui dit le jeune homme, vous devinez les questions que j’ai à vous faire ?

— Oui, mon fils, répondit le vieux chevalier, et me voilà prêt à y répondre.

— Mon frère a été traîtreusement assassiné ? demanda Giovanni.