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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/192

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— Hélas ! oui, répondit le père.

— Dans quel but ?

— Pour s’emparer de sa fortune.

— Par qui ?

— Par Lupo, votre cousin à tous deux.

Le jeune homme tressaillit, car parmi les souvenirs de sa jeunesse il se rappelait qu’il avait un sentiment d’antipathie pour un seul homme, et cet homme c’était Lupo.

— Tant mieux, dit il, j’aime mieux que ce soit par lui que par un autre.

— Et pourquoi cela ? demanda le père.

— Depuis que je me connais, j’ai détesté cet homme, moi qui ne déteste personne ; et il m’en coûtera moins de le tuer que de frapper un autre.

— Tu le tueras donc ? s’écria le vieux chevalier avec un cri de joie et en serrant Giovanni dans ses bras.

— N’est-ce pas dans cet espoir que vous m’avez élevé, mon père ? demanda le jeune homme, comme s’il eût été étonné d’une semblable question.

— Oui, oui, sans doute, mais je doutais que tu m’eusses deviné.

— Depuis un an seulement, c’est vrai ; jusqu’alors j’avais vécu machinalement. J’avais regardé sans voir, j’avais écouté sans entendre. Il ne faut pas m’en vouloir, mon père : jusque-là j’étais un enfant, aujourd’hui je suis un homme.

— Ainsi donc, tu le tueras ? s’écria une seconde fois le vieillard.

Le jeune homme étendit les bras vers le crucifix.

— Sans pitié, sans miséricorde, comme il a tué ton frère ?

— Par ce crucifix, je le jure : mon père, s’écria Giovanni.

— Oh ! bien, bien, s’écria le vieillard ; tout est dit, me voilà tranquille, et mon fils sera vengé.

Et tous deux sortirent de l’église, le cœur aussi léger et la figure aussi joyeuse que s’ils ne venaient pas de commettre une action sacrilège ; et pourtant c’était une action sacrilège que ce serment de vengeance prêté devant l’autel du Dieu de la miséricorde. Mars telles étaient les âpres idées