Depuis quatre heures l’armée française était en retraite : elle reculait pas à pas, mais elle reculait.
Ce qu’attendait Bonaparte, nul ne le savait : mais, en le voyant se retourner de temps à autre vers San-Giuliano, chacun se doutait qu’il attendait quelque chose.
Tout à coup un aide de camp arrive ventre à terre, annonçant qu’une division paraît à la hauteur de San-Giuliano.
Bonaparte respire : c’est Desaix et la victoire.
Alors Bonaparte tire du fourreau son sabre qu’il n’avait pas tiré de la journée, ce même sabre qu’au retour de la campagne, il donna à son frère Jérôme, pour le consoler de ne pas l’avoir emmené avec lui, et allongeant le bras, il fit entendre le mot : — Halte !
Ce mot électrique, ce mot si longtemps attendu courut sur le front de la ligne, et chacun s’arrêta.
Au même moment Desaix arrive au galop, devançant sa division ; Bonaparte lui montre la plaine couverte de cadavres, toute l’armée en retraite, et à trois cents toises en avant la garde consulaire qui, pour obéir à l’ordre donné, tient comme une redoute de granit.
Puis, lorsque les yeux de son compagnon d’armes ont successivement erré d’une aile à l’autre, se sont portés de notre armée à l’armée ennemie :
— Eh bien ! lui dit Bonaparte, que penses-tu de la bataille ?
— Je pense qu’elle est perdue, dit Desaix en tirant sa montre ; mais il n’est que trois heures et nous avons le temps d’en gagner une autre.
— C’est aussi mon avis, répond Bonaparte.
Puis, passant sur le front de la ligne :
— Camarades ! s’écrie-t-il au milieu des boulets qui le couvrent de terre lui et son cheval ; c’est assez de pas faits en arrière : le moment est venu de marcher en avant ! En avant donc ! et souvenez-vous que mon habitude est de coucher sur le champ de bataille !
Alors les cris de : Vive Bonaparte ! Vive le premier con-