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sitôt : c’était l’heure du dîner, et Florence tout entière avait rendez-vous de huit heures du soir à deux heures du matin sur les quais qui bordent l’Arno.

Nous étions invités, comme nous l’avons dit, à voir les fêtes nocturnes des fenêtres du palais Corsini. La duchesse de Casigliano, belle-fille du prince, l’une des femmes les plus artistes et les plus spirituelles de Florence, avait bien voulu nous faire inviter au nom de son beau-père. Nous nous étions étonnés de cette invitation, car nous savions le prince à Rome. Mais la première personne à qui nous en parlâmes nous répondit que, sans aucun doute, le prince reviendrait de Rome pour faire les honneurs de son palais, non seulement à ses compatriotes, mais encore aux étrangers attirés à Florence par la solennité des fêtes patronales de Saint-Jean. En effet, nous apprîmes chez monsieur Finzi que le prince venait d’arriver.

Le prince Corsini est de nom et de façons un des plus grands seigneurs qui existent au monde ; il descend, je crois, d’un frère ou d’un neveu de Clément XII, auquel les Romains reconnaissans élevèrent, après un pontificat de neuf ans, une statue de bronze qui fut placée au Capitole. De ce pontificat date pour les Corsini le titre de prince, mais l’illustration historique de la famille remonte aux premiers temps de la république. C’était une Corsini cette femme si fière qu’avait épousée Machiavel, et qui lui inspira son joli conte de Belphégor.

Napoléon, qui se connaissait en hommes, et qui accaparait à son profit toutes les capacités, remarqua le prince Corsini. Il l’attira en France, le fit conseiller d’état et officier de la légion d’honneur. Sous Napoléon, ce n’était point assez d’être quelque chose pour avoir droit à de pareilles faveurs, il fallait encore être quelqu’un ; le prince Corsini était à la fois quelqu’un et quelque chose. Aussi ce fut à lui que Napoléon recommanda la princesse Élise lorsqu’elle partit pour Florence, où l’attendait la couronne de grande duchesse.

Napoléon tomba et entraîna toute sa famille dans sa chute. Le prince Corsini, que l’on avait fait Français, redevint Italien. Rome alors le nomma sénateur, comme la France l’avait fait conseiller d’état. Le prince Corsini fit son entrée à