Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/253

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— Oh ! mon maître ! mon pauvre maître ! s’écria le domestique en pleurant.

— Mon talisman ! demanda Zaionczek.

— Ah ! pourquoi l’avez-vous quitté !

— Je suis de ton avis… j’ai eu le plus grand tort ; rends-le-moi.

— Allons, général, êtes-vous prêt ? dit Larrey.

— Un instant, un instant, mon cher ami.

Et Zaionczek remit le talisman à son cou, et se le fit nouer solidement par son valet de chambre.

— Maintenant, dit-il, je suis prêt ; faites.

On étendit un drap au-dessus du blessé, car il tombait une neige glacée et aiguë qui, en touchant sa peau, le faisait frissonner malgré lui ; quatre soldats soutinrent cette tente improvisée.

Larrey tint parole, malgré le froid, malgré la difficulté de la position ; l’opération dura à peine deux minutes.

Napoléon voulut que Zaionczek fût transporté sur un des premiers radeaux qui traversèrent le fleuve. Il arriva à l’autre bord sans accident.

Les Polonais se relayèrent pour le porter sur un brancard. L’opération avait été si admirablement faite, que le blessé échappa à tous les accidens à craindre en pareille circonstance. Pendant treize jours, quand tant de malheureux s’abandonnaient eux-mêmes, les soldats de Zaionczek bravèrent la faim, le froid, la mitraille, plutôt que de l’abandonner. Le treizième jour enfin ils entrèrent avec lui à Wilna.

Là, la déroute devint telle qu’il n’y avait plus moyen de suivre l’armée. Le blessé ordonna lui-même à ses fidèles compagnons de l’abandonner ; ils le déposèrent dans une maison où à leur arrivée les Russes le trouvèrent.

À peine Alexandre apprit-il la haute capture qu’on avait faite, qu’il ordonna qu’on eût les plus grands égards pour le prisonnier. Zaionczek resta à Wilna jusqu’à son entier rétablissement.

Le traité de Paris fut signé : Alexandre donna aussitôt