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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/259

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quelquefois à la reine de France, et toujours le bien que je n’ai pu faire, pauvre et chétif que je suis, la reine de France l’a fait.

Laissez-moi donc, madame, vous remercier d’abord en passant pour cette pauvre Romaine dont vous avez pris la fille, et qui priera toute sa vie, non pas pour vous, car c’est à vous de prier pour les autres, mais pour ceux qui vous sont chers.

Or, un de ceux là passait le 28 juin dernier, longeant l’île d’Elbe, conduisant une flotte magnifique qui allait où le souffle du Seigneur la poussait, d’occident en orient, je crois ; celui-là, c’était le troisième de vos fils, madame ; c’était le vainqueur de Saint-Jean-d’Ulloa ; c’était le pèlerin de Sainte-Hélène ; c’était le prince de Joinville.

Moi, j’étais sur une petite barque, perdu dans l’immensité, regardant tour à tour la mer, ce miroir du ciel, et le ciel, ce miroir de Dieu ; puis, comme j’appris qu’avec cette flotte un de vos enfans passait à l’horizon, je pensai à Votre Majesté, et je me dis qu’elle était véritablement bénie entre les femmes la mère dont le premier fils s’appelle le duc d’Orléans, dont le second fils s’appelle le duc de Nemours, dont le troisième fils s’appelle le prince de Joinville, et dont le quatrième fils s’appelle le duc d’Aumale, beaux et nobles jeunes gens dont chacun peut ajouter à son nom un nom de victoire.

Puis, ainsi rêvant, j’arrivai à une pauvre petite île dont le nom est inconnu sans doute à Votre Majesté, et qu’on appelle l’île de la Pianosa. Dieu a décidé que vous seriez bénie dans ce petit coin de terre, madame, et je vais vous dire comment.

il y avait là, dans cette petite île inconnue, deux pauvres pécheurs qui se désespéraient : la flotte française, en passant, venait d’entraîner avec elle leurs filets, c’est-à-dire leur seule fortune, c’est-à-dire l’unique espoir de leur famille.

Ils apprirent que j’étais Français : ils vinrent à moi ; ils me racontèrent leur malheur ; ils me dirent qu’ils étaient ruinés ; ils me dirent qu’ils n’avaient plus d’autres ressources que de mendier pour vivre.