Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/5

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nous distinguer beaucoup de détails qui nous avaient échappé lors de notre première visite. Dans les églises d’huile, on y voit en général beaucoup moins clair le jour que la nuit. Nous remarquâmes particulièrement une statue, l’Espérance de Donatello ; une Madeleine un peu maigre, d’une vérité un peu anatomique, du même auteur, mais pleine de repentir et d’humiliation ; et enfin le tombeau de Jean XXIII, toujours de Donatello, dont l’épitaphe : Quondam papa, souleva si fort la colère de Martin V, qu’il en écrivit au prieur, le marbre censuré ne devant, selon lui, conserver au défunt que le titre de cardinal, avec lequel il était mort.

C’est qu’aussi, il faut le dire, Balthazar Cozza fut un singulier pape. Gentilhomme napolitain sans fortune, il tenta d’en acquérir une en se faisant corsaire ; un vœu fait au milieu d’une tempête le jeta dans les ordres, où, grâce à l’appui, aux recommandations et surtout à l’argent de Cosme l’Ancien, son ami, il fut nommé cardinal-diacre. Alors l’ancien corsaire se fit marchand d’indulgences, et il paraît qu’il réussit mieux dans cette seconde spéculation que dans la première ; car, à la mort d’Alexandre V, qu’il fut soupçonné d’avoir fait assassiner, il se trouva assez riche pour acheter le conclave. Cependant Balthazar ne fut pas nommé, comme il s’y attendait, au premier tour de scrutin ; alors il se revêtit lui-même de la toge pontificale, en s’écriant, comme par inspiration : Ego sum papa. Le concile, intimidé de son audace, confirma l’élection, sans même recourir à un second tour de scrutin, et Balthazar Cozza fut exalté sous le nom de Jean XXIII. Cela faisait le troisième pape vivant : les deux autres étaient Grégoire XII et Benoît XIII.

Au reste, le dernier venu ne donna point un meilleur exemple que les autres ; étant cardinal, il avait fait des vers dans lesquels il niait l’immortalité de l’âme, l’enfer et le paradis ; devenu pape, le premier acte de son pouvoir fut d’enlever à son mari une femme dont il était amoureux depuis longtemps, et avec laquelle il vécut publiquement ; cela ne l’empêcha point de censurer les mœurs de Ladislas, roi de Naples. Ladislas n’aimait point les censures ; il répondit fort brutalement à son ancien sujet que, lorsqu’on menait une vie pareille à la sienne, on avait mauvaise grâce à reprendre les