Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/69

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personnes qui, réalisant la promesse du programme, eurent ce jour-là des nouvelles certaines de l’enfer en allant les y chercher elles-mêmes, et cela à la grande douleur et au grand deuil de toute la ville, dans laquelle il y avait peu de personnes qui n’eussent à regretter un fils, une femme, un frère ou un mari.

La seconde fête fut plus gaie, et n’entraîna par bonheur aucune conséquence fâcheuse ; elle eut lieu en 1604, année pendant laquelle le froid fut si intense que l’Arno gela comme aurait pu faire le Danube ou le Volga. Cet événement, presque sans exemple dans les fastes toscans, lui donna un petit air septentrional dont les Florentins résolurent de profiter pour étendre la renommée de leur fleuve. Il s’agissait d’organiser sur cette glace inconnue une fête aussi grande et aussi magnifique qu’on eût pu la donner dans l’arène d’un cirque.

Le lieu choisi pour le spectacle fut l’espace compris entre le pont de la Trinité et le pont alla Carraja. C’est l’endroit où, été comme hiver, l’Arno, grâce à une digue construite à cent pas au dessous de ce dernier pont, se présente dans toute sa majesté et toute l’abondance de son cours. Les loges destinées à servir de cabinets de toilette à ceux qui devaient activement prendre part à la frite furent les arches des deux ponts recouvertes par des tentures.

Quand chacun eut pris rang dans la troupe à laquelle il appartenait, et eut revêtu le costume qu’il devait porter, la procession commença de se montrer, sortant de l’arche voisine de San-Spirito. D’abord six tambours marchaient en tête, puis venaient six trompettes fort noblement habillés : les trompettes, comme on le sait, jouaient un grand rôle dans toutes les fêtes de la république florentine ; puis après les trompettes s’avançait une mascarade comique composée d’une trentaine de jeunes gens qui devaient courir le Pallium pieds nus ; puis derrière cette mascarade apparut une autre troupe de coureurs vêtus en nymphes, assis sur des tabourets, tenant leurs jambes élevées à la manière des goutteux, et ne marchant qu’à l’aide de deux petites béquilles dont ils tenaient une de chaque main, exercice qui donnait lieu aux accidens les plus bouffons, et aux chutes les plus ébourif-