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Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/7

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Espagne et continua de résister. Enfin Jean XXIII, d’abord président de l’assemblée, puis en lutte avec Sigismond, puis fugitif, puis prisonnier, puis déposé, finit par se réfugier près de son ami Cosme, à Florence, où il mourut. Cosme, fidèle jusqu’après la mort de Jean à l’amitié qu’il lui portait, chargea Donatello de lui élever un tombeau, fit l’épitaphe lui-même, et, lorsque Martin V tenta de la faire gratter, se contenta d’adresser au pape légitime cette réponse à laquelle son laconisme n’ôtait rien de sa précision : Quod scripsi, scripsi. Plus heureux après sa mort que pendant sa vie, Jean XXIII, qui était redevenu cardinal par jugement du concile, resta pape par l’épitaphe de son tombeau.

Nous continuâmes de suivre la foule qui s’écoulait, toujours pressée et silencieuse, par la via dei Cerretani ; puis, comme elle se séparait en deux flots, nous prîmes à gauche, et au bout d’un instant nous nous trouvâmes en face du magnifique palais Strozzi, qui, à plus juste titre que beaucoup d’autres monumens, éveillait la verve laudative de Vasari.

En effet, le palais Strozzi n’est pas seulement grandiose et magnifique, il est prodigieux ; ce ne sont point des pierres jointes par la chaux et le ciment, c’est une masse taillée dans le roc. Aucune chronique, si élégante, si détaillée, si pittoresque qu’elle soit, ne fera comprendre comme ce livre de pierre les habitudes, les mœurs, les coutumes, les jalousies, les amours et les haines du quinzième siècle. La féodalité tout entière, avec sa puissance individuelle, est là ; lorsqu’une fois un homme était assez riche pour se faire bâtir une pareille forteresse, rien ne l’empêchait plus de déclarer la guerre à son roi.

Ce fut Benoît de Majano qui, sur l’ordre de Philippe Strozzi le Vieux, fit le plan et jeta les fondations de ce beau palais ; mais il ne conduisit les travaux que jusqu’au second étage. Il en était là lorsqu’il fut forcé de partir pour Rome. Heureusement, à cette époque même, arriva à Florence un cousin de Pollajolo, que l’on avait surnommé Cronaca, ou la Chronique, à cause de l’habitude qu’il avait prise de raconter à tout venant et à tout propos son voyage de Rome. Ce voyage, quelque ridicule qu’il eût jeté sur l’homme, n’avait