Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/71

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tant l’un contre l’autre, se brisaient à grand bruit et volaient en mille morceaux.

Enfin vint la troisième et la plus magnifique des fêtes qui ont illustré l’Arno : c’est celle qui eut lieu en 1618, sous le règne de Cosme II, et qui fut imaginée par le célèbre Adimari. Ce divertissement représentait les amours d’Héro et de Léandre. Laissons parler le programme lui-même ; nous ne ferions certes pas une relation qui peignit aussi bien que lui le caractère de l’époque à laquelle cette fête était donnée, et qui correspondait chez nous aux premières années du règne de Louis XIII.

« Héro, très belle et très noble damoiselle, prêtresse de Vénus, désirant, de concert avec son amant Léandre, montrer encore à l’Italie ce que c’est qu’un amour constant, a obtenu de la déesse de la beauté, non-seulement de quitter les Champs-Élysées pour revenir sur la terre avec les mêmes sentimens qui suivent l’âme dans la tombe, mais encore est autorisée à métamorphoser pour aujourd’hui le royal fleuve Arno dans l’antique et fameux Hellespont. On voit donc à la fois sur les deux rives de ce détroit, dont le faible intervalle sépare l’Europe de l’Asie, soupirer sur son rocher de Sestos l’amoureuse damoiselle, tandis que sur l’autre rive l’amoureux jeune homme part d’Abydos à la nage et s’expose, pour passer une heure avec sa maîtresse, à ce périlleux trajet. Alors la déesse, assise dans un nuage entre ces deux amours si tendres, cède à la compassion que lui inspire Léandre, et elle étend d’une rive à l’autre ce fameux pont que Xercès voulut deux fois faire bâtir pour marcher à la conquête de la Grèce. Mais les peuples de l’Europe, saisissant l’occasion qui leur est offerte d’atteindre à l’antique gloire de leurs ancêtres, non-seulement en défendent l’usage à l’amoureux époux, mais encore tentent avec une armée nombreuse de s’emparer du pont ; tentative à laquelle s’opposent les Asiatiques, à l’aide d’une autre armée non moins nombreuse, indignés qu’ils sont que l’art essaie de réunir ces deux terres que la nature a séparées.

Les Européens s’avancent donc sous la présidence de la nymphe Europe, laquelle, pour enflammer ses soldats, leur promet, en récompense de leur victoire le même taureau .