Aller au contenu

Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans lequel se changea Jupiter lorsqu’il la transporta de Phénicie en Crète. De leur côté, les Asiatiques viennent sous les auspices de Bacchus, leur antique dieu, lequel, pour animer le courage de ses troupes, promet aux victorieux un immense tonneau rempli de sa première liqueur.

Alors commence sur ce pont, jeté par Vénus, une terrible lutte entre les deux peuples. Heureusement Cupidon, qui craint les désastres d’un tel combat, voit à peine les armées en présence, que de la cime des deux roches opposées il fait voler deux amours qui viennent, leur flambeau à la main, séparer par un feu d’artifice, les Asiatiques des Européens, montrant, par l’exemple de ces loyaux amans et de ces fidèles époux, combien sont dignes de mémoire ceux-là qui, sans crainte du danger, savent noblement mener à bonne fin les entreprises de guerre ou les aventures d’amour. »

Comme on le voit, de peur d’affliger sans doute les Florentins, le traducteur de Pindare avait violé, non pas l’histoire, mais la fable, en couronnant les amours d’Héro et de Léandre par un mariage. Cela rappelle notre bon Ducis, qui, en voyant l’effet terrible qu’avait produit le premier dénouement d’Othello, en fit immédiatement un second à l’usage des âmes sensibles.

Puis peut-être aussi la véritable cause de cette substitution fut elle qu’il n’y avait pas dans le faux Hellespont assez d’eau pour noyer Léandre[1].

  1. Au moment où j’écris ces lignes, je reçois une cinquième lettre pleine d’injures, au bas de laquelle, comme au bas des précédentes, je cherche inutilement un nom. J’y répondrai par une petite histoire.
    « En arrivant à Florence, je fus, pendant que je dormais, piqué par un scorpion. Je cherchai pendant huit jours inutilement le venimeux animal qui avait profité de l’obscurité pour me mordre et s’enfuir ; le neuvième je le découvris enfin et l’écrasai. »
    6 avril 1842.