Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/89

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de sorte que, lorsque je me levai elle vint joyeusement au-devant de moi, disant : — Ah ! le voilà donc, cet homme qui devait être mort ce matin ! Je crois que cette volée de coups de pied et de coups de poing que vous nous avez donnée la nuit passée, quand vous étiez dans votre grande colère, aura épouvanté la fièvre, qui se sera enfuie de peur d’en avoir sa part. C’est ainsi que toute ma pauvre maison, remise peu à peu de la terreur qu’elle avait eue et de la grande fatigue qu’elle s’était donnée, se tranquillisa en me voyant hors de danger et de crainte, et courut joyeusement chercher, pour remplacer la vaisselle d’étain que j’avais jetée à la fournaise, des plats de terre, dans lesquels je fis le meilleur dîner que j’eusse fait de ma vie.

Après le dîner, tous ceux qui m’avaient aidé vinrent me voir à leur tour, se félicitant joyeusement les uns les autres, et remerciant Dieu de la manière dont les choses avaient tourné, disant que je leur avais fait voir une merveille que tous les autres maîtres eussent regardée comme impossible. Je mis alors la main à la poche, et je payai tout le monde.

Lorsque j’eus pendant deux jours laissé refroidir le bronze dans le moule, je commençai à le découvrir peu à peu, et la première chose que je rencontrai fut la tête de la Méduse, qui, grâce aux soupiraux que j’avais établis pour donner passage à l’air, était venue parfaitement ; aussitôt je continuai à découvrir le reste, et je trouvai l’autre tête, c’est-à-dire celle du Persée, qui, de son côté, était venue à merveille, ce qui me donna d’autant plus d’étonnement et de joie, que, comme on le sait, elle est plus basse que l’autre ; et, comme la bouche du moule était juste sur la tête de Persée, je trouvai que, cette tête finie, le bronze était épuisé ; de sorte qu’il n’y en avait ni trop ni pas assez, mais la mesure juste et nécessaire. Alors je vis bien que c’était une chose véritablement miraculeuse, et dont je fus bien reconnaissant envers Dieu. J’allai donc de l’avant et continuai de découvrir ma statue ; et à mesure que je la découvrais, je trouvai chaque partie admirablement venue, jusqu’à ce qu’enfin j’arrivai au pied droit qui pose à terre, et je vis que ce talon était aussi complet que tout le reste ; circonstance qui me rendait à la fois joyeux et mécontent, car j’avais dit au