Page:Dumas - La salle d'armes 1 Pauline, Dumont, 1838.djvu/206

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n’osais laisser tomber, et que cependant j’étais bien résolue à ne pas lire. Ma mère m’appela, je la suivis. Que faire de ce billet ? Je n’avais pas de feu pour le brûler ; le déchirer, on en pouvait trouver les morceaux : je le cachai dans la ceinture de ma robe.

Je ne connais pas de supplice pareil à celui que j’éprouvai jusqu’au moment où je rentrai dans ma chambre : ce billet me brûlait la poitrine ; il semblait qu’une puissance surnaturelle rendait chacune de ses lignes lisible pour mon cœur, qui le touchait presque ; ce papier avait une vertu magnétique. Certes, au moment où je l’avais reçu, je l’eusse déchiré, brûlé à l’instant même sans hésitation ; eh bien ! lorsque je rentrai chez moi, je n’en eus plus le courage. Je renvoyai ma femme de chambre en lui disant que je me déshabillerais seule ; puis je m’assis sur mon lit, et je restai ainsi une heure, immobile et les yeux fixes, le billet froissé dans ma main fermée.